"... A l'approche de la Renaissance, vièle et rebec deviennent de plus en plus hybrides; ils changent de nom : en Italie, la vièle devient lyra da braccio; en Allemagne, c'est le rebec qui change en lyra tandis qu'en France on l'appelle "gigue". Les Italiens se décident une fois pour toutes d'appeler viola tout ce qui est vièle et les Français violon tout ce qui est issu du rebec ! [...] Les vièles s'installent en Italie et deviennent viola da braccio (violes de bras) et viola da gamba (de jambes) avec, à leur tour, l'accord hérité de la vihuela, c'est-à-dire en quartes et une tierce majeure au milieu pour six cordes. Le fond reste, en principe, plat. Violes et violons commencent, à la Renaissance, un processus de rapprochement et l'on constate un échange d'éléments; c'est ainsi que la viole acquiert une table voûtée et les quatre coins, tandis que le violon adopte des éclisses de plus en plus fines.

Tandis que le violon (y compris sa famille dont l'alto et le violoncelle) devient durant le XVIIIè siècle le privilège des Italiens, la viole de gambe est exportée en Angleterre, où elle sera pendant longtemps l'instrument de prédilection; la sonorité de la viole correspond à la sensibilité des Anglais et, avec le temps, quelques luthiers de grand talent l'adaptent à la pratique d'une musique raffinée et d'une virtuosité délicate. Cette adaptation consiste à affiner le manche, jusqu'alors trop épais pour permettre une plus grande facilité de jeu. Un léger renversement du manche a, comme conséquence, un chevalet plus haut et plus de liberté de mouvement d'archet. Les violes de gambe anglaises sont considérées pendant le XVIIè siècle comme les meilleures. Les Français prennent la relève et ce sont eux qui mèneront la musique de viole à son apogée. Le sieur de Sainte-Colombe, prestigieux violiste de la fin du XVIIè siècle, ajoute une septième corde aux graves de son instrument et crée la viole française. Marin Marais, Antoine Forqueray, François Couperin, M.Demachy, Caix d'Hervelois et tant d'autres élèveront la musique de viole au-dessus de la simple musique de cour et en feront un monument de notre culture."

Extrait de "La viole de gambe", Luthfi Becker, Ed.Dessain et Tolra, Paris 1982